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Biographie

Dans la maison Voulzy, la force motrice s’appelle guitare. C’est elle qui a guidé les choix musicaux de l’adolescent de Nogent-sur-Marne. Au début des années 1960, la guitare se décline en trois ordres : la pop anglaise, le classique et Samba de uma nota so, fleuron de la bossa-nova composé par Tom Jobim, huit mesures sur un Ré, quatre autres sur le Sol, et des accords infernaux. « A partir de ce moment, la musique brésilienne m’a fasciné », dit Laurent Voulzy, qui publie Belem, son neuvième album studio, dix titres articulés autour de Spirit of Samba, dix-huit minutes de musiques découpées en trois parties.

Partant dans l’aventure d’une élégante compression de la musique brésilienne à la manière de sa Rockcollection, déclaration d’amour au rock livrée en 1977, Laurent Voulzy, a résumé ainsi la situation, sur des paroles de son complice de toujours Alain Souchon : « Pour le cœur, la samba c’est bien ». « Les gens malheureux le sont moins »,  ajoutent-ils, comprenant que la samba, et la bossa nova qui en est une déclinaison, raconte souvent des chagrins d’amour en s’en riant suffisamment pour que la fête éclate.

Rythme, danse et philosophie de la vie, la samba est vagabonde. Née au 19 è siècle sur les pentes des mornes de Rio de Janeiro, elle s’est déployée tel un cerf volant multicolore dans le vent chaud des tropiques. Elle a grandi, entraînant dans ses filets le rock, le funk et tout ce qui lui paraissait apte à nourrir ses pulsions vitales, dont cette « nouvelle pulsion », la bossa nova. « J’ai vite compris que la bossa nova était une révolution. C’était très doux, très sophistiqué. J’allais écouter le Trio Camara rue Mouffetard. Depuis, l’influence brésilienne n’a cessé de m’accompagner. Dans Le Rêve du pêcheur, Le Soleil Donne, Slow Down, le groove est totalement brésilien. Et puis, je suis tombé complètement amoureux d’Astrud Gilberto », la chanteuse qui, avec le saxophoniste Stan Getz et le génie de la guitare Joao Gilberto, a créé en 1964 l’album-chef d’œuvre Getz/Gilberto. En 1974, Laurent Voulzy  déclare sa flamme à Astrud, qu’il n’a jamais rencontrée, en lui composant une mélodie, Minha Song of You. Il reprend ici la chanson en duo avec Nina Miranda, co-fondatrice du groupe de trip-hop Smoke City.

Dans ses pérégrinations parisiennes, le jeune Caribéen du Val-de-Marne croise le guitariste Baden Powell, inventeur de l’afro-samba, compositeur de Samba da Bençao, popularisé en France par Pierre Barouh. Baden Powell eut deux fils nés à Paris, Marcel, guitariste, et  Philippe, pianiste.  Ce dernier avait un projet singulier : un album des chansons de Laurent mariées à des classiques de la MPB (Musique Populaire Brésilienne) et agencées à la manière de Rockcollection. Il suggère à Voulzy d’y travailler ensemble. « Grâce à Philippe, je réalise enfin un phantasme : publier un album brésilien ». Et mieux : aller enfin au Brésil afin de boucler un cercle magique commencé à l’adolescence. « Bon, j’ai mis trente-cinq ans à aller en Guadeloupe où j’ai été conçu. Et en arrivant à Rio, c’était magique ! Comme en découvrant la baie de Saint-Anne il y a longtemps, j’ai plongé dans un fantasme, et c’était génial ». Je suis ainsi, ajoute Voulzy. « J’ai des passions, le Moyen-âge par exemple, et je m’étais complètement immergé dedans pour  Lys&Love », son précédent album solo, paru en 2011.

Laurent Voulzy découvre Rio depuis les hauts de Santa Teresa, vieux quartier perché au dessus des mornes et du Corcovado. Dans la chambre de son hôtel, où s’endormit après l’un de ses ultimes concerts une Amy Winehouse fracturée, il y a un piano. « Et, là, j’étais tellement ému ! M’arrive directement, tout de suite, comme dictée, une mélodie, des mots, c’est Rio ». Et la saudade lusitanienne ayant frappé, Laurent Voulzy s’envole dans un doux sentiment de manque… « Au bout d’Ipanema/ Que j’ai tant désirée/ Je regarde les vagues, je vais chavirer ». Il termine la chanson à Paris, avec le parolier Pierre-Dominique Burgaud, et Voulzy qui cherche à reproduire avec fraîcheur ce qu’il a vécu si intensément à Santa Teresa : un piano à peine accordé, et lui, si gauche devant le clavier.

L’album s’ouvre sur Timides, une « bossa que j’ai écrite quand j’avais dix-sept ans, que j’avais chantée de ci-de là, mais jamais enregistrée. Idem pour Quand le soleil se couche, commencée à la même époque, et que j’ai enfin terminée avec l’aide de David Mc Neil ». Laurent Voulzy s’était promis d’enregistrer sur une plage. Il choisit celle, magnifique, de Grumari, qui prolonge la côte au-delà d’Ipanema, de Leblon, de Barra da Tijuca. Timides et Minha Song of You sont enregistrés sur place, dans la simplicité de la voix et de la guitare. Puis, Laurent Voulzy se place au plus près des vagues de l’Atlantique, dont on entend les rumeurs. Au coucher du soleil, la lune se lève. Un instant magique. « Alors, je joue de la guitare ». Et c’est un instrumental très doux, Tombée du jour sur la plage de Grumari.

Colonne vertébrale de Belem, le titre Spirit of Samba, coréalisé par Philippe Baden Powell et Philippe Cohen Solal, pilier du groupe de néo-tango Gotan Project, est une histoire de groove. « Ce groove brésilien si proche du blues, dit Laurent Voulzy que je ne quitte jamais ». Même si au fil de Spirit Of Samba, Voulzy et sa bande mélangent : les instruments de la samba, surdo, cuica, pandeiro, tamborim (Edmundo Carneiro aux percussions), du sitar indien, de la guitare folk, des sons électro.  On chante aussi, dans une grande mixture de français (paroles d’Alain Souchon), de portugais, d’anglais, entre emprunts aux anciens et création, avec les voix de Nina Miranda, Eloïsia, Luisa Maita ou l’actrice américaine Chyler Leigh reconnu notamment pour son rôle dans la série Grey’s Anatomy.

Des pans entiers de la Musique Populaire Brésilienne ont fait le tour du monde. Voulzy ne s’y trompe pas qui cite d’emblée les classiques, souvent transposés en français, dans leurs versions originales, madeleine de Proust des années 1970 : Vôce abusou d’Antonio Carlos e Jocafi, Partido Alto du grand poète Chico Buarque de Hollanda. A cet avant goût d’un hommage en profondeur à la samba, il ne pouvait manquer les alignements funk du chanteur et guitariste Jorge Benjor, sorte d’alter ego brésilien d’un Laurent Voulzy uni au fulgurant carioca par la pratique jouissive de la guitare et le plaisir de chanter les louanges de Fio maravilha, le dribbleur chéri du club de foot Flamengo. « Il fallait frapper fort de suite, il fallait que cela avance, rentre dedans avec ces titres connus.  Puis, nous avons évolué vers des classiques remis dans leur jus, comme Aguas de Março, Samba da Bençao, Insensatez… ».  Et puis du Jorge Benjor encore, Taj Mahal, Mas que NadaSpirit of Samba a été enregistré à Paris, tout comme le très doux  Amor Jujuba, de et chanté en duo avec Philippe Baden Powell.

Restait à trouver un sens fédérateur. Philippe Baden-Powell « prononce un mot magique, tellement beau : Belem. J’en parle à Alain Souchon, qui créé des parallèles ».  Belém est une ville de l’embouchure de l’Amazonie, mais aussi un bateau, un trois mâts construit en 1896 pour la flotte des « Antillais ».  C’est aussi la tour érigée au 16 è siècle en bord du Tage à Lisbonne, et une très ancienne forêt de chênes, celle de Bellême dans le Perche, si chère à Voulzy. « J’apprends que le nom vient de Bethléem. Alors Alain écrit : « C’est l’histoire d’un secret perdu/ D’un mystère qui a disparu/ Il manque et nos cœurs sont lourds ». Comme si un âge d’or était terminé, que les hommes avaient abandonné le vertical, l’élévation, l’amour, attirés désormais par leur seule vision horizontale ».

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